Dossier : La ville est-elle bonne pour la santé?
Novembre 2016 – 80 pages
Éditorial du n°10 de CaMBo, par Jean-Marc Offner, directeur général de l’a-urba
« La ville à la campagne »… Le fameux adage, prêté à Alphonse Allais, semble plus actuel que jamais, adopté par une bonne partie de la population en quête d’une spatialité idyllique : le calme et la nature de la campagne ; les emplois et les services de la ville. Ravivées par la montée des préoccupations environnementales et sécuritaires, les vieilles idéologies antiurbaines se régénèrent. Valorisées par les processus de métropolisation, les grandes villes accueillent les « classes créatives » et les attractions patrimoniales.
L’opposition entre la ville et la campagne, dont le sociologue Henri Lefebvre expliquait dès 1970 qu’elle s’estompait, n’est certes plus celle de nos grands-parents. L’idée d’un « urbain généralisé » rend compte de l’homogénéisation des modes de vie sur l’ensemble des territoires, pratiques de consommation et de travail aidant. Il n’en reste pas moins – malgré les TGV et Internet, Amazon et les congélateurs – que la vie quotidienne, le rapport au monde et à l’autre, diffèrent sensiblement selon que l’on fréquente un quartier parisien ou un village médocain. A minima, quelques différences dans le gradient d’urbanité (indicateur construit par le géographe Jacques Lévy combinant densité, diversité et interaction) expliquent que les projets résidentiels restent diversifiés.
Il y a au moins trois manières de faire la ville à la campagne. La plus ancienne est le compromis nord-américain de la suburb du XIXe siècle, banlieue verte chic, puis démocratisée. Avec plus ou moins de réussite, les espaces périurbains contemporains refont ce pari de l’hybridation ville-campagne. Et c’est sans doute pour cela que 44 % des Français souhaiteraient habiter « dans la périphérie d’une grand ville, aux limites d’une grande ville dans un cadre proche de la nature ou dans un village proche d’une ville » (enquête Forum vies mobiles, 2016). L’idée de village urbain, qui a fait florès lors des dernières élections municipales, joue cette même partition : se mettre au vert, mais à proximité des ressources métropolitaines.
La deuxième solution, c’est la campagne urbaine : des espaces ruraux peuplés d’urbains, de toute catégorie sociale, en contact au moins partiel avec les bassins d’emplois métropolitains, parfois bilocalisés, consommateurs de services numériques. Contrairement à ce que l’on peut lire parfois dans la presse, qui focalise son analyse sur les centres des bourgs et petites villes, il n’y a plus d’exode rural en France. Avec des formulations différentes de celles de l’enquête précédemment citée, une étude (Nielsen, 2015) sur les styles de vie indique que la campagne serait le « lieu de vie idéal » de 44 % des Français. La campagne urbaine a donc de beaux jours devant elle.
La troisième façon de mixer ville et campagne, c’est la métropole-nature, avatar de la cité-jardin. Le vert à portée de pieds : plus d’espaces plantés, plus de microjardins, plus de friches cultivées, plus de toits végétalisés, plus d’immeubles à terrasses, moins de sols imperméabilisés ; et de l’agriculture urbaine. La campagne à la ville, en sorte, et les poules urbaines en cadeau. La maison de campagne – passion hexagonale – en bas de chez soi…
Périurbain, campagne urbaine, métropole-nature… Ces trois projets méritent une même attention de la part des urbanistes respectueux des aspirations de leurs concitoyens.
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Lire le Grand Entretien : Eric Corijn, philosophe et sociologie (par Gilles Pinson)
Lire l’introduction du dossier La ville est-elle bonne pour la santé ? (par Bob Clémént et Gilles Pinson)
Lire Métropandémies (par Gilles Pinson)
Editeur : Le Festin, Bordeaux
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