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/ 28.03.2024

Baisse des déplacements en voiture : première étape vers la décarbonation des mobilités ?

La stratégie nationale bas-carbone française vise la neutralité des émissions des transports terrestres d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, il existe trois leviers : améliorer l’efficacité énergétique des véhicules et réduire leur intensité carbone, inciter au report vers des modes de transports moins carbonés et diminuer la demande, que ce soit le besoin de déplacement ou les distances parcourues.  Dans un contexte de hausse démographique, comme c’est le cas dans le département de la Gironde (+15 % d’habitants entre 2009 et 2021), ces efforts doivent, de surcroit, compenser l’augmentation du nombre d’habitants.

Comment ont été modifiés ces différents paramètres au cours de la dernière décennie ? Est-ce que les comportements de mobilité ont évolué et les changements observés sont-ils pérennes ? Les données disponibles via les enquêtes mobilité[1] permettent d’étudier les tendances à l’œuvre en matière de demande de déplacements et de transfert modal.

Une baisse globale de la mobilité

Tout d’abord, les habitants du département de la Gironde se déplacent moins. La mobilité est en effet passée de 3,9 à 3,4 déplacements par jour et par personne entre 2009 et 2021. Cette baisse a un impact important, grâce à elle, la croissance démographique n’a généré que peu de déplacements supplémentaires au global, que ce soit sur la métropole ou au-delà.

Cette baisse de la mobilité s’explique par deux phénomènes : d’une part la hausse de la part de personnes qui ne se sont pas déplacées la veille du jour d’enquête, et d’autre part la baisse des personnes hypermobiles, réalisant 5 déplacements ou plus par jour, au profit d’une mobilité plus ordinaire (entre 1 et 4 déplacements par jour).

Une forme de démobilité, de sobriété des déplacements, est donc à l‘œuvre. Cette dernière s’explique en partie par des raisons conjoncturelles liées au contexte sanitaire encore particulier au moment de l’enquête (fin 2021), mais également par une évolution plus pérenne. Cette tendance s’observe en effet dans la plupart des grandes agglomérations françaises.

Depuis 2021, il est donc possible que la mobilité soit repartie à la hausse, portée par la fin des restrictions, mais il est également envisageable que les comportements restent moins intenses, à l’image du télétravail qui s’est largement démocratisé et qui est aujourd’hui plus courant qu’avant la crise sanitaire.

-20% de déplacements en voiture sur la métropole…

Entre 2009 et 2021, les déplacements en voiture des habitants de la métropole de Bordeaux ont chuté de 20 %. En parallèle, les déplacements réalisés en transports collectifs ont augmenté de 14 %, ceux réalisés à pied et à vélo ont bondi respectivement de + 30% et + 124%.

La baisse de l’usage de l’automobile est moins marquée hors métropole, où les déplacements en voiture ne diminuent que de 4 % sur la période. Contrairement à ce qui est observé auprès des métropolitains, cette baisse se fait principalement au profit de la marche et des transports collectifs, dont les déplacements croissent respectivement de +17 % et +31 %, alors que le vélo est en légère baisse en moyenne.

… mais peu de transfert modal

Ces tendances pourraient donc indiquer qu’un report modal se soit effectué sur la période. Les habitants auraient abandonné leur voiture pour utiliser d’autres modes de transport, du moins pour une partie de leurs déplacements.

Mais en étudiant le nombre de déplacements par personne et par mode, il apparait que la mobilité automobile a fortement baissé, mais qu’en parallèle, la mobilité des autres modes n’a que faiblement augmenté. Les métropolitains réalisent en effet chaque jour 0,7 déplacement en voiture de moins qu’en 2009, mais n’effectuent que 0,3 déplacement supplémentaire en modes alternatifs (à vélo, à pied ou en transports collectifs urbains).

Les autres girondins ont également diminué leur mobilité automobile (-0,5 déplacement par jour et par personne), mais sans augmenter celle d’aucun autre mode.

La mobilité automobile a donc baissé, mais sans être remplacée par des déplacements faits par d’autres moyens. Sur la métropole, par rapport à 2009, parmi l’ensemble des déplacements automobiles en moins, un peu moins de la moitié sont des déplacements qui ont basculé vers des modes alternatifs mais les autres sont des déplacements qui ont été évités. Hors métropole, le gain est intégralement dû à une économie de déplacements en voiture.

La baisse de la mobilité est-elle durable ?

Parmi les déplacements qui ne sont plus réalisés, une partie est liée au travail, l’autre aux accompagnements, notamment sur la métropole. Les non métropolitains semblent également avoir diminué leur mobilité pour achats.

En regardant plus finement, la moindre mobilité liée au travail s’explique par moins de retours au domicile le midi, notamment hors métropole. Au sein de la métropole, elle est vraisemblablement due à la hausse du télétravail ou à un plus grand nombre de réunions en distanciel.

Ces évolutions montrent que ces évitements peuvent être en partie pérennes. En revanche, il n’est pas certain qu’ils puissent continuer à baisser de façon notable.

Ainsi, il apparait que les efforts de déploiement des transports collectifs et d’aménagements cyclables menés entre 2009 et 2021 ont permis d’absorber la croissance démographique ainsi qu’une partie du report modal depuis la voiture, notamment sur la métropole. Mais la grande partie de la baisse du nombre de déplacements en voiture est due à une économie de déplacements. Cette forme de « sobriété » pourra difficilement être accentuée, les activités restantes étant vraisemblablement les plus nécessaires.  Pour atteindre les objectifs de décarbonation, d’autres leviers devront donc être mobilisés : diminuer les kilomètres parcourus, ce qui est peut-être déjà engagé[2], et limiter l’empreinte carbone des véhicules.

Il est important de pouvoir suivre dans le temps cette baisse de la mobilité pour s’assurer de son caractère en partie structurel. Il serait également intéressant de vérifier qu’elle ne s’accompagne pas d’effets « rebonds » tels qu’une mobilité accrue le week-end ou un transfert vers d’autres types de déplacements (e-commerce et livraisons de marchandises associées), que ne permettent pas de connaître l’enquête mobilité disponible.

 

 

[1] Cf. EMC2 2021, Les pratiques de déplacements des Girondins  et EMD et EDGT 2009

[2] Un changement méthodologique entre les enquêtes 2009 et 2021 ne permet pas de comparer les distances parcourues

Catégorie(s) : Actualités / Evènement

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