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DOSSIER : INTIMITÉS EN VILLE
MAI 2021 – 84 PAGES

CaMBo #19

Éditorial du n°19 de CaMBo,
Jean-Marc Offner, directeur général de l’a-urba

À la distance de la fumée des huttes… Telle était selon Claude Lévi-Strauss la bonne distance dans l’organisation spatiale des Indiens Maudan. Une trop grande proximité, les occasions de querelles se multiplient, c’est la guerre. Un éloignement trop important, on ne se connaît plus, et c’est aussi la guerre, parce que l’inconnu dérange.

La ville est affaire d’interactions sociales. La ville intensifie les contacts, dans la double signification du terme. Un contact, c’est une relation ; on prend contact, on garde le contact. Mais un contact, c’est aussi un rapprochement physique qui engage les sens, où les corps se touchent. Et un attouchement, c’est le début d’une agression.

S’intéressant aux grandes villes de la fin du XIXe siècle, aux foules des trottoirs, Georg Simmel l’avait déjà souligné : pour s’arranger avec les frictions, avec la promiscuité, l’homo urbanus développe des attitudes d’indifférence. C’est mentalement qu’il prend ses distances. Parle-t-on à son voisin de banquette dans le tram ? Interpelle-t-on la personne qui laisse choir un papier ? S’arrête-t-on au bruit d’une dispute derrière une porte ouverte ? Dans l’espace public comme dans bien d’autres lieux du collectif (l’école, l’entreprise) ou de la communication (la messagerie électronique, le téléphone mobile), les règles de l’urbanité et de la civilité se brouillent.

Et quand quelques milliards de photos et de vidéos sont prises et diffusées chaque jour dans le monde, quand l’exhibitionnisme du banal coupe court à l’accusation de voyeurisme, que reste-t-il du droit à l’image ? Comme l’écrit en sociologue Henri-Pierre Jeudy : « Le partage visuel de l’intimité semble nous appeler à être intimes ensemble. Et curieusement, c’est bien la croyance en une semblable communauté d’intimités qui fait oublier l’impression même d’exhibitionnisme ».

La pandémie débutée en 2020 a élevé le « sans contact » des paiements par carte bancaire au rang de progrès sanitaire majeur. Elle participe mois après mois de ce bousculement des règles de la proxémie, qui gouvernent les techniques de mises en connexion visuelles et tactiles. Chacun dans sa bulle physique et dans son monde numérique ?

À force de déverser son intimité sur les réseaux sociaux, le citadin d’aujourd’hui ne serait-il pas enclin à souhaiter plus encore qu’auparavant se préserver du regard public ? Le choix résidentiel du périurbain est souvent analysé comme une mise à distance du voisinage. En logement collectif, le vis-à-vis est scruté avec autant d’acuité que d’agacement. Les rideaux aux fenêtres encadrent les ombres de ceux qui voudraient voir sans être vus tandis que les fleurs des balcons s’offrent au collectif.

Mais la vue n’est peut-être pas le plus important dans ces questions d’intimité résidentielle. Les bruits de voisinage font partie des plaintes récurrentes devant les tribunaux. Et au tapage nocturne épisodique s’ajoutent souvent les petits tracas quotidiens d’une mauvaise isolation acoustique (lot commun d’un bon tiers des Français). Qu’entend-on de son voisin à la distance de la fumée des huttes ?

/ Extraits

Lire le sommaire

Lire le Grand Entretien : Marie-Christine Jaillet (par Gilles Pinson)

Lire Voisinage (par Antonio Gonzalez-Alvarez)

Lire l’introduction du dossier : Intimités en ville (par Jean-Christophe Chadanson et Thierry Oblet )

Éditeur : Le Festin, Bordeaux

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