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DOSSIER : NUITS URBAINES
NOVEMBRE 2017 – 80 PAGES

CaMBo #12

Éditorial du n°12 de CaMBo, par Jean-Marc Offner, directeur général de l’a-urba

Rendre visibles les flux du métabolisme urbain… Alors que les préoccupations environnementales commandent de s’intéresser chaque jour un peu plus à l’air, à l’eau, à l’énergie, aux circulations de toutes sortes, notre perception de l’espace reste focalisée sur le bâti, la morphologie ; l’immobile plus que le mobile. Certes, quelques enseignes de pharmacie affichent la température ambiante. Certes, quelques panneaux à messages variables autoroutiers informent d’un pic de pollution. Mais le tableau de bord des fonctionnements métropolitains, en filigrane derrière les écrans d’ordinateur des collectivités territoriales et des opérateurs de réseaux, n’a pas encore trouvé sa place publique.

Bleus lorsque la marée monte, verts quand elle descend, les pylônes du pont Jacques-Chaban-Delmas sur la Garonne participent, par leurs superbes lumières nocturnes, de cet objectif de mise en scène des flux, en l’occurrence des courants. Depuis quelques mois, Montréal a poussé plus loin le concept : le pont Jacques- Cartier s’illumine toutes les nuits au rythme des saisons, des jours et des heures ; selon des données sur la météo, la circulation, l’actualité. La mention de Montréal sur les réseaux sociaux fait varier l’intensité et la vitesse des scintillements lumineux. Connexions vivantes est ainsi le « baromètre de la vie dans la métropole et de l’énergie des Montréalais ».

Ce compteur urbain XXL a des prédécesseurs. À l’initiative d’énergéticiens soucieux de faciliter des comportements plus sobres, des designers ont élaboré des horloges énergétiques, par exemple pour indiquer en temps réel la consommation d’un bâtiment (exposition So watt ! du design dans l’énergie à l’Espace Electra à Paris en 2007). Immatérielle, la consommation électrique devient visible. Changer d’échelle pour donner à voir de manière attractive et pédagogique les consommations (et productions) énergétiques d’une métropole ne pose aucun problème technique rédhibitoire. Il en serait de même pour l’eau, les déchets, le niveau sonore, la qualité de l’air… Des plasticiens, concernés par le développement durable, imaginent pour leur part de nouvelles esthétiques créant les conditions d’une expérience sensorielle de la ville des flux : une corde suspendue, une image sur grand écran, une sphère lumineuse, une fontaine… dont les mouvements, apparences, intensités se corrèlent à divers paramètres urbains. Des chercheurs travaillent sur des « technologies calmes » aptes à rendre perceptibles, tangibles, des données numériques.

Au-delà de ces subtiles médiations artistiques, déterrer les réseaux, à tout le moins en révéler la présence, est une autre manière de faire « éprouver » le métabolisme urbain. L’urbanisme moderniste s’est ingénié, dans le légitime souci d’un meilleur confort citadin, à faire disparaître sous les pavés les tripailles de la ville, et à rejeter en périphéries les installations de la « logistique urbaine ». Il ne s’agit certes pas de réinventer des égouts à ciel ouvert mais de considérer que des équipements techniques mieux pensés dans leur polyvalence potentielle sauraient s’insérer dans l’espace urbain. Leur éloignement participe d’un effet « boîte noire » peu propice à une compréhension intuitive des enjeux écologiques des territoires.

Datas, Internet des objets, connectivités humaines généralisées… Le nouveau monde numérique offre déjà mille possibilités de jouer avec des infographies urbaines, à la taille d’un pont, d’un mur ou d’un banc. Les projets qui se multiplient sous l’étendard de la « ville intelligente » gagneront à intégrer cette ambition citoyenne : une visibilité, directe ou médiatisée, des métabolismes urbains, gage de leur intelligibilité pour tous les usagers de la métropole, gage de mobilisation des acteurs locaux pour des politiques publiques attentives à la transition environnementale.

Jean-Marc Offner

/ Extraits

Voir le sommaire

Voir le Grand Entretien : Patrick Le Galès, directeur de recherches au CNRS (par Gilles Pinson)

Voir l’introduction du dossier : Nuits urbaines (par Cécilia Comelli et Stella Manning)

Éditeur : Le Festin, Bordeaux

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