DOSSIER : BORDEAUX AVEC TOULOUSE, BORDEAUX CONTRE TOULOUSE…
MAI 2017 – 80 PAGES
Éditorial du n°11 de CaMBo, par Jean-Marc Offner, directeur général de l’a-urba
Un écran tactile d’une borne de station de tram rendu inutilisable par les reflets du soleil ; des lycéens assis sur le trottoir, faute de bancs devant leur établissement ; un bureau de poste de centre-ville aux horaires campagnards ; trois appels téléphoniques pour se retrouver à la gare, faute de signalétique adaptée ; le food truck qui ne peut plus stationner pour cause de mobilier urbain intempestif… Chacun pourrait allonger cette liste des petits tracas de la vie quotidienne qui rendent celle-ci trop souvent pénible à force de répétition.
Cette prise en considération des usages – qui rejoint les principes et objectifs du design – est convoquée avec trop de modestie encore dans les réflexions et conceptions urbaines, comme si la trivialité des problèmes interdisait de les prendre au sérieux. Souci du détail, culture du service, appréhension des expériences… Prendre soin du citadin, quelle que soit sa condition, lorsqu’il pratique la ville, cela ne devrait-il pas être aussi la préoccupation de l’urbaniste ?
Un usager mérite une attention particulière : le travailleur. Les propos de marketing territorial sont en général de deux ordres : la ville business friendly, qui aide les entrepreneurs à s’installer ; la ville attractive, qui offre aux habitants son cadre et sa qualité de vie. Une ville où il fait bon vivre. Certes ! Mais une ville où il fait bon travailler, cela ne devrait pas être mal non plus ! Une ville adaptée à la vie active, qui faciliterait les vies professionnelles de chacun.
À quoi pourrait donc ressembler « Ergopolis », une ville amie des travailleurs qui s’attacherait aux relations entre l’usager de la métropole et l’espace urbain compris comme écosystème des activités laborieuses ? Les universités s’y essayent : du bâtiment-campus (Learning Center de l’École polytechnique de Lausanne), acmé de l’effet cafétéria, à l’agglo-campus, invention de porosités inédites entre la ville et l’université. La promotion immobilière tertiaire construit pour sa part des « campus urbains » à l’attention de grandes entreprises cherchant à recréer un esprit d’innovation façon Silicon Valley.
Singapour, dans son hyper-fonctionnalité, apparaît à sa manière comme un territoire ami des travailleurs ; d’aucuns diraient exploiteur du labeur… façon Métropolis. La ville peu pratique engendre de l’inconfort, de l’énervement. La ville trop ergonomique deviendrait une aliénation spatiale. Ni village vacances ni poste de travail, la métropole doit remplir ses missions d’incubateur et de commutateur, sans pour autant réduire les capacités de ses habitants à l’Habiter, c’est-à-dire à intervenir sur leur cadre et leur condition de vie. « Ergopolis » ? Un programme de recherche et d’expérimentation à construire.
Jean-Marc Offner
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Voir le Grand Entretien : Patrick Boucheron, Historien (par Gilles Pinson et Jean-Marc Offner)
Voir l’introduction du dossier : Lettre à nos amis Toulousains (par Cécile Rasselet et Jean-Marc Offner)
Éditeur : Le Festin, Bordeaux
/ 05.01.2017
/ 04.01.2017