/ 04.12.2024
Le télétravail a connu un développement important ces dernières années, en particulier avec le tournant de la pandémie du covid-19. Cet essor soudain en a démontré les avantages : accroissement de la production et réalisation d’économies pour les entreprises, meilleure gestion du temps et équilibre entre la vie personnelle et professionnelle pour les salariés, etc. Ainsi, 46% des Girondins qui ont télétravaillé pendant la pandémie entendent conserver ces nouvelles habitudes sur la durée[1].
Les télétravailleurs girondins constituent un groupe hétérogène, tant en termes de secteurs d’activités que de modes de vie. Ainsi, ils ne pratiquent pas tous le télétravail de la même façon. Cette diversité soulève des questions sur l’impact réel du télétravail sur les pratiques de mobilités. De plus, en réduisant la fréquence des déplacements quotidiens, il pourrait constituer un levier intéressant de diminution des émissions carbone des transports en Gironde.
Les télétravailleurs sont nombreux en Gironde : 21% des actifs télétravaillent au moins une fois par semaine. Ce chiffre est semblable à la moyenne nationale, mais reste tout de même bien inférieur à celui de l’Ile-de-France (36%).
Toutefois, le télétravail ne se pratique pas de façon homogène sur toute la Gironde. En effet, la part des actifs télétravailleurs résidant à Bordeaux Métropole est plus importante que celle des résidents du reste du département : 25% contre 17% télétravaillent au moins une fois par semaine. On peut émettre l’hypothèse que vivre et/ou travailler en métropole joue un rôle dans le choix du télétravail, notamment pour éviter les problèmes de circulation.
Il n’existe cependant pas de différences importantes en Gironde concernant la fréquence de télétravail. Ainsi, que ce soit à Bordeaux Métropole ou ailleurs dans le département, la moitié des actifs qui télétravaillent le font au moins deux jours par semaine, et un quart le font un jour par semaine.
Au-delà des différences spatiales, c’est la catégorie socio-professionnelle (CSP) qui est déterminante dans le recours au télétravail. A emploi similaire, on télétravaille autant à Bordeaux Métropole que dans le reste du département. Les disparités spatiales que l’on constate s’expliquent donc avant tout par le poids de chaque CSP à Bordeaux Métropole et en Gironde.
Ainsi, 62% des cadres et professions intellectuelles supérieures télétravaillent : ils sont 30% à le faire au moins deux jours par semaine, 14% un jour par semaine et 18% plusieurs fois dans l’année. Dans une moindre mesure, le télétravail concerne 31% des professions intermédiaires, 26% des artisans, commerçants et chefs d’entreprise, et 19% des employés. En revanche, aucun ouvrier et seulement 4% des agriculteurs télétravaillenten Gironde.
La CSP des artisans, commerçants et chefs d’entreprise est la seule où le taux de télétravail est très différent selon le lieu de résidence des actifs. Ainsi, 35% des actifs de cette catégorie résidant à Bordeaux Métropole télétravaillent, contre 19% hors Bordeaux Métropole. Cela peut s’expliquer par la grande diversité des métiers regroupés dans cette catégorie, qui n’ont ni les mêmes exigences ni les mêmes rythmes de travail, et le fait que les professions les plus compatibles avec le télétravail se trouvent dans la métropole.
L’âge des actifs est également l’une des variables qui influencent les habitudes de télétravail en Gironde. La pratique du télétravail augmente du début jusqu’au milieu de la vie professionnelle, avant de diminuer en s’approchant de l’âge de la retraite. Elle est la plus forte chez les actifs âgés de 35 à 49 ans, qui sont 32% à télétravailler, peut-être en raison de leur plus grande autonomie professionnelle. Le télétravail est un peu moins pratiqué par les 25-34 ans et les 50-64 ans (28% de télétravailleurs pour chaque tranche). En revanche, ce sont les actifs les plus jeunes (18-24 ans) et les plus âgés (65 ans et plus) qui télétravaillent le moins, avec respectivement 8% et 16% de télétravailleurs. Est-ce un effet du besoin d’encadrement au démarrage de la vie active pour les uns, et d’une moindre aisance avec les outils numériques pour les autres ?
En parallèle, le télétravail n’est pas une pratique qui dépend du genre des actifs : 30% des femmes et 28% des hommes actifs télétravaillent, ce qui est relativement similaire. En termes de fréquence, il n’y a pas non plus de grandes inégalités : 15% des femmes télétravaillent au moins deux jours par semaine contre 13% des hommes.
La Stratégie nationale Bas Carbone, instaurée en 2015 par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, vise une réduction de 28% des gaz à effet de serre émis par les transports entre 2015 et 2030, et une décarbonation totale des transports d’ici à 2050 (hors transport aérien domestique). L’essor du télétravail peut-il être un levier pour y répondre ?
En 2021, les Girondins ont effectué 5,1 millions de déplacements par jour, soit 2,3% de plus qu’en 2009, mais le nombre de déplacements quotidiens par personne a baissé, passant de 3,9 à 3,4. L’essor du télétravail est l’une des raisons de cette baisse, en faisant chuter le nombre de déplacements domicile-travail.
D’abord, les télétravailleurs se déplacent moins que les non-télétravailleurs. A Bordeaux Métropole, une personne effectue 4,1 déplacements par jour si elle travaille hors de son domicile, et 2,9 déplacements si elle télétravaille. Si elle réside ailleurs en Gironde, elle se déplace 4,4 fois par jour lorsqu’elle ne télétravaille pas, et 3,2 fois quand elle le fait. Ainsi, à Bordeaux Métropole comme ailleurs, télétravailler revient à éviter 1,2 déplacement par jour par rapport aux jours non-télétravaillés. Le nombre de déplacements en voiture diminue donc également. A Bordeaux Métropole, on passe de 2,3 à 1,1 déplacements en voiture entre un jour de travail et un jour de télétravail. Dans le reste de la Gironde, on passe de 3,6 à 2,6 déplacements en voiture par jour. Le télétravail a donc un impact sur le nombre de déplacements, en particulier ceux effectués en voiture.
Ensuite, le télétravail permet une diminution des distances quotidiennes effectuées, un actif girondin effectuant deux à cinq fois moins de kilomètres lorsqu’il télétravaille. Ainsi, un actif métropolitain parcourt 43,5 kilomètres par jour lorsqu’il travaille hors de son domicile, et 8,1 kilomètres lorsqu’il télétravaille. Hors Bordeaux Métropole, un non-télétravailleur parcourt une distance quotidienne de 70,3 kilomètres, contre 34,7 kilomètres s’il télétravaille. Cette diminution des distances peut ainsi entraîner une diminution des émissions.
Toutefois, dans une étude datant de 2020[2], l’ADEME a dénombré seize « effets rebond » du télétravail qui remettent en jeu son rôle dans cette diminution. Parmi eux, certains ont un lien direct avec les habitudes de déplacement, comme l’effet de « chaînes modales » : un déplacement vers le lieu de travail implique souvent des arrêts ou des détours pour d’autres motifs, donc le télétravailleur maintient ce déplacement même s’il ne se rend pas sur son lieu de travail (accompagnement d’enfants à l’école, etc.). Un autre effet est celui des « nouvelles mobilités quotidiennes », qui consiste à pouvoir effectuer de nouveaux déplacements grâce au télétravail ou d’effectuer un déplacement habituellement réalisé le weekend. Cet effet rebond ne fait donc que créer ou décaler un déplacement, et ne réduit pas les émissions. Au-delà de ces effets liés aux transports, l’ADEME identifie également des effets tels que l’effet « visio-conférence », qui indique une augmentation des émissions de gaz à effet de serre due à la consommation d’énergie pour la tenue de réunions en ligne.
L’importance de ces effets rebond est visible en Gironde : alors que le nombre de déplacements quotidiens des télétravailleurs girondins devrait logiquement baisser de deux (un aller-retour domicile-travail), il ne diminue en réalité que de 1,2. Lors d’un jour de télétravail, une personne fait donc des déplacements qu’elle n’effectuerait pas lorsqu’elle se rend sur son lieu de travail, ou fait des déplacements vers des étapes de son trajet domicile-travail habituel.
Malgré ces effets rebond, la diminution massive des déplacements les jours de télétravail permet de générer une diminution importante des émissions. En Gironde, les télétravailleurs étant plus équipés en automobile et utilisant plus souvent la voiture que les non-télétravailleurs pour leurs déplacements, cette diminution est d’autant plus intéressante[3].
[1] Ce chiffre ainsi que toutes les autres données utilisées dans cet article (sauf mention contraire) proviennent de l’enquête mobilité Gironde 2021, aussi appelée étude EMC2. Pour en savoir plus : Principaux résultats de l’enquête mobilité Gironde 2021.
[2] Greenworking et ADEME. 2020. Etude sur la caractérisation des effets rebond induits par le télétravail. 46 pages.
[3] A’urba et 6-t. 2020. Télétravail et mobilités en Gironde. Une enquête, des perspectives. 7 pages.
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