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Dossier : Refaire la ville
novembre 2013 – 88 pages

CaMBo #4

Éditorial du n°4 de CaMBo, par Jean-Marc Offner, directeur général de l’a-urba

Fin de chantier ! Penser la ville, c’est souvent dessiner, concevoir, imaginer une ville achevée. Les utopies urbaines donnent à voir des organisations stables, des territoires finis. Les cités idéales s’encadrent dans des tableaux. Les documents de planification parlent de cohérence, d’équilibre, en quête d’une répartition harmonieuse des hommes, des activités et des équipements.

Et pourtant, la ville est sans cesse en mouvement. Elle se développe, ou elle rétrécit. Elle gagne ou perd en population. Elle renouvelle ses constructions et ses infrastructures. L’évolution des comportements de mobilité transforme le paysage des espaces publics. Les bouleversements des modes de vie modifient les ambiances. Et si « la forme d’une ville change, on le sait, plus vite que le coeur d’un mortel », les pratiques de la ville évoluent à un rythme plus soutenu encore.

Chacun le voit, chacun le ressent. Nul besoin de relire nos histoires urbaines remplies de remparts sans cesse détruits puis reconstruits plus loin, de « percées » visionnaires provoquant des sauts d’échelle, de lotissements spéculatifs urbanisant les campagnes. Nul besoin de parcourir la Chine en s’émerveillant ou s’horrifiant de l’incessante construction de gratte-ciels en tout genre.
Bordeaux, sous nos yeux, change chaque jour. Depuis le tramway, les quais et les ravalements, ce n’est plus la même ville, entend-on souvent dire. Avec la métropole millionnaire, ce ne sera plus la même agglomération, expliquent d’autres avec passion ou dépit. En tout cas, les mutations urbaines sont à l’oeuvre.

Et pourtant. Le « travail en cours » apparaît en creux, comme une parenthèse sans contenu, comme un provisoire sans mérite, comme un mauvais moment à passer entre deux états stables. Et si les dynamiques territoriales s’appréhendaient dans un continuum, comme une succession d’états instables dont la logique serait sans cesse à réécrire ? Et si les espaces les plus « mutants » devenaient les plus visibles et les plus attachants ?
Les friches urbaines se transforment souvent en d’étonnants réservoirs de biodiversité, tout en créant des accidents visuels au charme exotique. Les squats, habitats précaires de la créativité, deviennent parfois de hauts lieux artistiques. Les quartiers en cours de « gentrification » sont probablement les seuls vrais espaces de mixité sociale (du point de vue résidentiel). Et reconnaître à certains territoires (la Seine-Saint-Denis en région parisienne, le quartier Saint-Michel à Bordeaux) une dynamique de renouvellement social, c’est les qualifier positivement dans leur fonction métropolitaine.

Voir dans la ville un chantier permanent présente trois utiles conséquences. Cela permet de penser les transitions comme des moments positifs, dès lors que l’action publique se fixe des objectifs d’évolution forte de certains paramètres urbains. Quelles solutions, par exemple, pour réduire significativement et rapidement la part de l’automobile dans les déplacements sans pour autant pénaliser les habitants du périurbain captifs de la voiture ? Quelles approches pour rendre les villes vraiment faciles à vivre pour les personnes âgées, sans tomber dans des investissements démesurés ou des mesurettes symboliques ? Quel nouveau modèle pour mettre en oeuvre « la transition énergétique » ?
Cela incite à intégrer dès la conception des projets des capacités de recyclage, de reconversion, voire de réversibilité. Que faire d’un parc-relais lorsque sa fonction d’interface entre l’automobile et le transport collectif s’amenuise au rythme de l’allongement du réseau de tramway ? La notion d’adaptabilité est au coeur du développement durable.

Enfin, l’idée de chantier permanent amène à prendre au sérieux les aménagements éphémères et les équipements précaires. Les Nord-Américains savent utiliser une friche pour organiser, durant
quelques mois ou années, un parking, un marché ou un lieu festif. Ici ou là, les potentiels artistiques et culturels des espaces en construction peuvent être exploités par des maîtres d’ouvrage audacieux.
Les paysagistes, qui connaissent le rythme des saisons et la vie des arbres, savent sans doute mieux que d’autres appréhender la permanence du changement. Pour refaire la ville, apprenons donc à nous installer dans le provisoire.

/ Extraits

Voir le sommaire

Lire le Grand Entretien : Jacques Lévy (par Françoise Taliano-des-Garets)

Lire la rubrique Mémoire : La banlieue maraîchère de Bordeaux (par Emmanuelle Bonneau)

Lire l’introduction du dossier Refaire la ville sur la ville (par Thierry Oblet)

Editeur : Le Festin, Bordeaux

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